Les Cévennes Méridionales

Ici se délasse en toute discrétion le balcon de la Méditerranée, une enclave intimiste et généreuse, au temps suspendu. Dans ce sanctuaire de verdure préservé, convergent et se rencontrent différents mondes minéraux. Ici encore, la différence est plus que jamais valeur ajoutée. Conjuguée au savoir-faire et à la passion, elle relie les traditions ancestrales aux activités artisanales d’aujourd’hui. Ici enfin, rien n’est laissé au hasard et chacun vit comme il l’entend, un luxe inestimable ! (Par Sandrine Moirenc)

Grand poumon végétal

Monde schisteux des vallées cévenoles, monde granitique des pentes et plateaux montagneux de l’Aigoual, monde calcaire du Causse de Blandas, nous voici devant une mer minérale aux caractères variés, aux différents visages, pour un même territoire. Aux portes de la Provence, surplombant la Camargue et délicieusement limitées pas les pentes sud des Cévennes, les Cévennes Méridionales s’offrent comme un grand poumon végétal. Depuis la route qui relie Nîmes à Rodez, on pénètre dans le territoire cévenol en introduisant ce périple par le village de Sauve.

Sauve, riche cité médiévale aux 22 nationalités

Loin des grands axes, la commune de Sauve est toujours une bonne surprise, de celles qui vous plongent directement dans l’essence du voyage. Depuis le Pont Vieux se découvre un autre élément abondant en ces terres : l’eau. Le Virdoule s’écoule sagement, chantant sa course mélodieuse aux pêcheurs sur les berges, au front de vieilles bâtisses léchant le fleuve, à celles qui s’accrochent à la colline. Un miroir aquatique trempé de vert qui s’harmonise allègrement avec le dense foisonnement d’une végétation en plein réveil. Un peu plus loin, c’est la résurgence du fleuve qui s’expose à l’abri d’une cavité rocheuse. Et puis les ruelles s’enfoncent dans le cœur du village comme autant de pistes à la recherche d’indices attestant d’un prestigieux passé. En témoignent les belles voûtes de la Fusterie sur la place Astruc qui abritaient bon nombre d’échoppes. On y devine également d’anciennes demeures de notables dont la Maison de l’Évêché sur la place du vieux marché, et celle des Comtes de Sauve reconvertie en centre culturel. Il y a aussi l’Hôtel de la Monnaie dans la montée des Capucins, symbole de la richesse médiévale de la cité, et en poursuivant l’ascension dans le village : les ruines d’un couvent des capucins. Malgré les traces du temps, Sauve n’a pas perdu de son art de vivre. Et pour ceux qui en douteraient, parmi les 4000 âmes qui peuplent la cité, on dénombre ici 22 nationalités différentes !

Les fourches en micocoulier de Sauve

Voici une bien étonnante histoire que celle des fourches du village de Sauve ! Ce sont les seules en France à être confectionnées avec le bois de cet arbre fabuleux s’épanouissant en région méditerranéenne : le micocoulier, et ce depuis le XIIe siècle. Ce savoir-faire exceptionnel (n’allez pas croire que la chose est aisée) a été protégé par ordonnance du roi à la même époque. Il perdure encore aujourd’hui à travers l’initiative du Conservatoire de la Fourche de Sauve qui expose, dans son musée, l’histoire du précieux objet, et dans son atelier, toujours en activité, sa technique de fabrication. Le micocoulier a cette particularité de produire sur chacun de ses rejets un bourgeon en fleur de lys qui, savamment taillé durant 8 années, donnera une fourche à trois branches. L’alchimie de la transformation et de la courbure de la tête s’opère ensuite dans les ateliers par le savoir-faire de l’artisan aidé de son four. Une histoire d’hommes et de passions à découvrir absolument.

Au royaume des châtaigniers

La vallée s’ouvre sur la route qui conduit à Saint-Martial, village de caractère. Ici la végétation et le relief deviennent plus denses. Nous sommes en territoire schisteux, là où le châtaignier établit sa suprématie, son royaume, à côté d’autres arbres fruitiers. Dans ce paysage riche, on lit encore les traces de cette activité textile qui a tant marqué l’époque même après son déclin au XXe siècle : de grands mas, des magnaneries, des filatures se révèlent ici et là sur des pentes montagneuses, au bord des cours d’eau, dans les vallons, certains magnifiquement restaurés. Il y a également les traversiers ou restanques qui étagent les collines, les montagnes, et qui sont le résultat d’un travail de titans. Ces parcelles ont été aménagées par l’homme pour cultiver le mûrier sur des pentes, et elles sont encore utilisées aujourd’hui pour les cultures.

Saint-Martial, village de schiste

La route tracée à flanc de montagne se rétrécit et Saint-Martial se dévoile enfin. Perché sur sa butte, il exhibe fièrement tout l’art des bâtisseurs de l’époque : les vieilles demeures ont été édifiées avec les pierres de l’éternité, ce schiste brun rosé si dur à sculpter mais qui ne perd jamais sa couleur. Grande fierté du village : sa petite église épurée qui date du XIIe siècle et qui est entièrement faite de schiste. Cette terre minérale, riche mais difficilement domptable, ne peut que susciter la passion. Les hommes ici ont été obligés de la comprendre pour en exploiter respectueusement tous ses trésors, toute sa générosité, à force de travail mais aussi de convictions.

Le cachemire de Saint-Martial

Du cachemire dans les Cévennes qui l’eut cru ? Perdu dans la colline, à quelques encablures du village de Saint-Martial, l’atelier ouvre ses portes sur un monde douillet et somptueux où s’expose toute une collection exclusive de pièces faites avec le plus pur et le plus prestigieux des cachemires. Des pulls, des écharpes, des vestes, des gilets… On y rencontre du très haut de gamme fait sur mesure ! C’est en 1990 qu’Éric Bompard, appartenant déjà au métier du textile, décide de créer son entreprise. Ce sont les chèvres de Mongolie qui lui procurent une matière première exceptionnelle. Celle-ci transite par l’Écosse, imbattable dans son savoir-faire, pour être traitée et teintée avant d’être acheminée chez lui sous forme de bobines. Dans l’intimité d’une relation complice et sans détours avec ses clients, Éric Bompard établit des modèles exclusifs qui se confectionnent dans son atelier et  demandent un savoir-faire conjugué à une dextérité exceptionnelle. Les pièces sont ensuite lavées avec l’eau schisteuse du ruisseau du Rieutord qui traverse le village et qui leur confère cette douceur incroyable. Pour plus d’information : inutile de chercher une adresse email ou un site internet, ici on ne croit qu’aux vrais rapports humains ! La renommée de l’Artisanale du Cachemire ne s’est faite que par le bouche-à-oreille, un moyen de communication qui n’a pas de frontières puisque même Tom Cruise passe commande ici !

L’oignon doux des Cévennes 

L’écotourisme est un concept phare en territoire cévenol. En témoigne une belle rencontre sur l’une des collines entourant le village avec les producteurs d’oignons doux des Cévennes : M. et Mme Léonard. Anciens ouvriers travaillant dans l’usine Well, ils se sont reconvertis il y a une dizaine d’années dans la culture de ce bulbe qui a d’ailleurs obtenu une AOC. Depuis "La Maisonnette", la propriété aménagée en chambres et table d’hôtes, les traversiers se superposent en épousant les courbes du relief. L’allure gaillarde et passionnée, Philippe s’affaire tout en narrant généreusement son histoire. Ses parents cultivaient déjà l’oignon. Les anciens avaient dû épierrer les terrains, les aplanir et transporter la terre sur ces parcelles pour les rendre cultivables. L’heure est à l’arrosage, l’occasion de découvrir toutes les sources qui parcourent la colline, permettant une irrigation aisée et la confection de bassins sur les différents étages cultivés. Philippe nous présente quelques bulbes. De forme arrondie, l’oignon exhibe sa délicieuse couleur nacrée légèrement satinée. On dit de celui-ci qu’il ne fait pas pleurer, qu’il a une saveur délicate et tendre, qu’il est juteux et qu’il s’accommode aussi bien cru en salade que cuit avec du foie gras ou sur des tartes, ou alors confit avec des viandes blanches. Françoise la bonne fée, aussi généreuse que son époux, a concocté une énorme pissaladière. Un instant gourmet et délicat inoubliable accompagné d’un vin de sureau fait maison bien sûr !

Mont Aigoual, paradis pour âmes solitaires

Le périple se poursuit en direction du Mont Aigoual. La route tente de se frayer le passage à travers les déferlantes de châtaigniers qui plongent à pic dans la vallée. Ici la vie est rare et retranchée. D’anciennes maisons aux lourds toits de pierre, perdues sur les pentes, dénotent une discrète présence humaine. Mais nous sommes bel et bien définitivement lovés dans l’un de ces paradis originels qui deviennent si prisés pour les âmes solitaires ! Il faut atteindre les villages de Notre-Dame de la Rouvière et de Valleraugue pour refaire le plein d’humanité. Pourtant l’envie nous ressaisit assez vite de gravir la dernière portion de route qui mène au Mont Aigoual et son observatoire. Vues d’ici, ces interminables terrasses de verdure cachent bien leur jeu : ces grandes étendues au relief bien tranquille abritent jalousement toute une richesse géologique insoupçonnée.

L’abîme de Bramabiau, véritable richesse géologique

Ultime immersion : l’abîme de Bramabiau à quelques kilomètres de l’observatoire. On plonge cette fois-ci dans le monde calcaire, univers souterrain qui continue lentement de modeler une partie des Cévennes. Cet abîme de renommée mondiale sur le plan de la spéléologie est la résultante d’une érosion multimillénaire : un vaste demi cirque dans lequel circule une source qui a creusé le réseau karstique sur 11 km de couloirs sous terre dont 800 mètres sont actuellement ouverts au public. Encore une véritable richesse géologique !

Le Vigan, traditions et vieux métiers

Dernière étape : le Causse de Blandas. Ici la nature bascule encore offrant un paysage totalement différent. Le passage se fait par Le Vigan, un village au creux d’une vallée qui a également eu son heure de gloire et son importance à l’époque du textile. Ici on excellait dans la confection artisanale de bas de soie. La visite du Musée Cévenol, une ancienne bâtisse située au bord de l’Arre qui abrita tour à tour une tannerie, une filature puis une ganterie, consacre d’ailleurs une belle partie de sa collection à la soierie. On en apprend également beaucoup sur les traditions et les vieux métiers du pays.

Le Causse de Blandas, ses moutons et ses vaches

Et puis la route borde les fameuses pommeraies, celles qui produisent la savoureuse pomme reinette du Vigan, avant de traverser le Causse de Blandas. Le paysage commence à se teinter d’un tout autre caractère, plus austère. La terre brune et caillouteuse se couvre de prairies rases où le buis se complaît, conversant avec quelques prunelliers sauvages. Cet ancien grenier à céréales accueille aujourd’hui des moutons et des vaches. Plus loin la curiosité l’emporte : sur l’une des parcelles on aperçoit un cromlech qui dresse ses impressionnants monolithes datant de l’âge de pierre. On dit que le lieu est quelquefois envahi de gens venus y recueillir de l’énergie. Il est vrai que ce cercle de menhirs ne laisse pas indifférent !

À la découverte du cirque de Navacelles

Un peu plus loin, le petit village de Blandas est une bonne étape pour celui qui veut découvrir le cirque de Navacelles. Le rendez-vous est pris pour une randonnée inoubliable doublée d’une dernière belle rencontre pour ce périple dans les Cévennes : Paul Remise est guide pour Aven et Calade, il organise des balades à thèmes dans un esprit d’écotourisme. Aujourd’hui, avec la découverte du fameux cirque, il se propose d’initier le promeneur à la collecte de salades sauvages. Depuis la ferme de La Borie d’Arre, nous remontons le plateau pour rejoindre la crête des gorges de la Vis. Dans ce paysage rude, la vie se décline pourtant en abondance : des arbres fruitiers, du buis à profusion, des iris, des orchidées, des jonquilles sauvages, du chêne, des cistes fleuris, des lézards verts, un blaireau, on surprend même un vol d’aigle de Circaète Jean-le-Blanc. L’homme n’est pas en reste ici : on devine une carrière de vieux menhirs en approchant de la crête et l’on croise de nombreux clapas, ces tas de pierres sèches collectées pour dépierrer le terrain qui servaient également à confectionner des murs et des abris pour les bergers.

Panorama grandiose des gorges de la Vis

Et puis le décor s’ouvre soudain, plongeant vertigineusement dans les gorges de la Vis, un panorama grandiose ! En bas, on aperçoit la rivière se frayant un passage dans la dense végétation en pleine renaissance  printanière. À droite, on lit la morphologie du paysage résultant de cette curiosité géologique qui isole le charmant village de Navacelles perché sur son piton rocheux. On devine encore le travail de ce méandre capricieux, aujourd’hui à sec, qui a creusé le terrain autour du rocher. Un bon moment passé à contempler cet incroyable cirque. Le plateau du Causse, hostile de premier abord, a cette particularité d’imprégner toute âme qui le foule d’un sentiment de bien-être. Il surprend et se mérite.

Salade sauvage, agneau de pays et Pélardon

L’heure est maintenant à la collecte de ces fameuses salades. À quatre pattes dans l’herbe, Paul nous enseigne les différentes espèces. La nature se met à parler, à chanter même sous la déclinaison des noms de ces plantes bien surprenantes. À nos pieds, tout un trésor de saveurs insoupçonnées : la bréou voisine du pissenlit, la raiponce et sa délicieuse racine, la pimprenelle au goût de concombre, la chicorée plus amère, la pétarelle très savoureuse, etc. Mais attention : un tel patrimoine se respecte ! Hors de question de tout ramasser et n’importe comment. On coupe en laissant la racine, on prélève lorsqu’il y a deux plans côte à côte. Quelle agréable conclusion pour ce fabuleux voyage, et c’est au café de Blandas : "Le Causse" que Paul et le cuisinier de l’établissement concoctent une agréable vinaigrette pour déguster notre cueillette. Une initiative heureuse à l’image de Paul et de ce bistrot qui appartient à l’appellation "café de pays" regroupant dans le département les établissements qui jouent le jeu d’une cuisine de terroir avec les produits frais de leur territoire. À nous les saveurs de l’agneau de pays, des Pélardons, de la crème de marrons et de notre salade sauvage. Un authentique voyage dans ces Cévennes Méridionales qui redonne le goût de l’essentiel !

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