Aude, le sentier cathare

 

De Port-La-Nouvelle à Foix, le Pays Cathare réunit vignobles, garrigues sauvages et trésors de l’Histoire dans les “décors de cinéma” des Hautes Corbières, du Quercorb, du Pays de Sault. Des terroirs de soleil dominés par les citadelles du vertige et traversés par le Sentier Cathare que vous n’êtes pas obligés de les faire à pied ! Un parcours de 200 kilomètres à réaliser tranquillement en 5 ou 6 jours.

 

Texte et photos : Marie-Hélène et Yves Lundy

Les Corbières, une montagne à vin

 

Le Sentier Cathare naît dans les années 80 lorsque des passionnés d’histoire et de terroir ont l’idée de créer un chemin entre Montségur et la Méditerranée. Le départ est fixé à Port-La-Nouvelle et l’arrivée à Foix pour permettre aux randonneurs d’avoir accès à deux gares de chemin de fer. Moins fréquenté que le chemin de Compostelle, le Sentier Cathare a pour but de faire découvrir les paysages sauvages des deux départements en longeant l’ancienne frontière d’Aragon où furent construites, au Moyen Age, les “citadelles du vertige” destinées à défendre le Royaume de France. Un régal pour l’œil et pour l’esprit ! Nous n’allons pas le suivre au pied de la lettre, mais nous allons le longer au plus près, par les petites routes. Première étape : Durban-Corbières. Après une vingtaine de kilomètres dans un décor de collines rocailleuses où foisonnent les sangliers, apparaît, sur un piton rocheux, le château du XIe siècle à la tour carrée, classé Monument Historique, entouré des maisons du bourg de Durban, elles-mêmes cernées par les vignes qui, ici, prennent le pas sur la garrigue. Terres méditerranéennes par excellence, les Corbières, autrefois couvertes de forêts denses, sont devenues dès le IIe siècle une “montagne à vin”. AOC depuis 1985, les vins des Corbières ont vu leur qualité s’améliorer par le choix des cépages, l’utilisation de nouvelles techniques et l’élevage en fûts de chêne.

Cucugnan : sa cave, son château et son curé

 

Passé Tuchan, la cave de Cucugnan est la bienvenue : au milieu de l’océan de vignes et sous la canicule de juillet, notre hôte nous explique les efforts des viticulteurs pour réduire les engrais chimiques et verse dans nos verres, en guise d’apéritif, un rosé d’appellation “Terroirs du Vertige” aussi rafraîchissant qu’appétissant, aussi fruité que velouté : le bonheur ! Surtout lorsqu’on se trouve à Cucugnan, un village dont le nom, déjà pittoresque, fut rendu célèbre au XIXe siècle par Alphonse Daudet, dans l’une de ses « Lettres de mon moulin ». Accroché sur sa colline, le village de Cucugnan est resté typique, avec ses ruelles bordées de maisons colorées, son moulin restauré, ses placettes, ses bistrots et son église qui abrite la statue d’une Vierge… enceinte ! De quoi apporter du grain à moudre aux sermons du curé ! Au centre du village, place du Platane, ne manquez pas de consacrer une demi-heure au Théâtre Mir qui propose un spectacle virtuel sur le thème de la vedette virtuelle locale : le curé et son célèbre sermon, dans une version en occitan écrite par Achille Mir, écrivain audois, et contée par Henri Gougaud. Mais la grande attraction de Cucugnan culmine à 730 m, de l’autre côté de la D14 : c’est le château de Quéribus, citadelle du XIe siècle qui surplombe les Corbières et le Roussillon du haut de son piton rocheux, comme « un dé posé sur un doigt ». Une route étroite et montagneuse vous permet d’atteindre le pied de la forteresse. De là, une rude montée par un sentier rocailleux vous conduit aux trois enceintes enchevêtrées qui suivent les courbes du pog (piton), puis un escalier de pierres vous amène au terminus : les ruines du donjon dont une partie des murs est encore intacte. A l’intérieur : la salle gothique et ses voûtes d’ogives reposant sur un seul pilier et, dans les murs, les chicanes d’où, sans trop vous pencher, vous avez une vue renversante ! Vous en prenez plein les yeux : au sud et à l’est, la beauté sauvage des paysages de l’Aude et des Pyrénées-Orientales s’étale sans retenue. Et pourtant, combien de drames se sont succédé en ces hauts lieux de l’Histoire du Sud de la France. En regardant ces étendues végétales couvrant montagnes et vallées, comment ne pas songer à l’épopée Cathare, plus connue sous le nom de Croisade contre les Albigeois, qui ensanglanta tout le Languedoc ? Vaincu en 1255, Quéribus fut l’un des derniers bastions de la résistance Cathare et Occitane. A partir de là, le pouvoir des seigneurs occitans fit place au pouvoir du roi de France et le Languedoc fut rattaché à la couronne capétienne. Du haut du nid d’aigle de Quéribus, par temps clair, on aperçoit l’un des autres “fils de Carcassonne” (ainsi qu’on nommait les cinq châteaux de la ligne d’Aragon) : Peyrepertuse, un monument historique impressionnant !

Le château de Peyrepertuse, l’un des Cinq Fils de Carcassonne  

 

Retour sur la D14 : il n’y a que cinq kilomètres entre Cucugnan et Duilhac, village médiéval au pied du site grandiose de Peyrepertuse. Prévoyez de bonnes chaussures et un bâton de marche et partez tôt, avant les heures chaudes, à l’assaut de cette citadelle du ciel qui culmine à 800 mètres. De l’aire de stationnement, il vous faut trente minutes de grimpette sur un sentier bordé de chênes verts et de pins. Là-haut, c’est plus qu’un château, presqu’une ville qui s’étire sur 300 mètres et dont les pierres posées par les hommes se confondent avec les rochers. Plus de deux kilomètres de remparts crénelés enserrent ce puissant vaisseau accroché à sa montagne depuis 1000 ans. Du chemin de ronde quasi-intact, la vue est panoramique et unique : Quéribus, la sentinelle voisine qui semble jouer à château perché, les villages de Rouffiac et Duilhac, taches claires dans la verdure de la plaine, la montagne, et au loin la Méditerranée. Peyrepertuse, mot à mot “la pierre percée”, ne fut jamais assiégé. Sa réputation de forteresse imprenable n’y est pas pour rien, mais, aux périodes les plus chaudes de l’épopée cathare, son seigneur, Guilhem de Peyrepertuse, y fut pour beaucoup en se soumettant à Simon de Montfort, le chef des Croisés, malgré sa bienveillance pour La Cause. Mais la “Carcassonne céleste” a mieux résisté aux aléas du passé qu’au temps qui passe ; ses ruines sont difficiles à entretenir, l’accès peu facile et le chantier bien vaste !

Dans les gorges de Galamus

 

À partir de Duilhac-sous-Peyrepertuse, pour rejoindre Axat, où nous souhaitons faire étape, il faut traverser les gorges de Galamus. Nous passons la nuit à Cubières-sur-Cinoble, et le lendemain nous partons de bon matin, à pied, pour la traversée des gorges par l’unique route, peu fréquentée avant onze heures. Une balade de trois kilomètres aller. Pour éviter un kilomètre superflu, un parking a été aménagé plus loin, à l’entrée des gorges où vous pouvez garer votre véhicule. Mais vous ne regretterez pas d’avoir mis un pied devant l’autre et ainsi de suite, l’émerveillement est permanent, la route en corniche serpente le long d’un ravin étroit dont l’à-pic surplombe le torrent d’une centaine de mètres. Au fond, l’Agly, “la rivière des aigles”, venue du Pic de Bugarach tout proche, a creusé une entaille profonde et étroite dans le tuf calcaire, sculptant çà et là marmites de géants et bassins naturels alimentés de sources et résurgences où l’eau peut atteindre 27°C. Un paradis pour les adeptes (même débutants) du canyoning. A la sortie des gorges, vous êtes sur la commune de Saint-Paul-de-Fenouillet, et vous avez changé de département : les Pyrénées-Orientales vous accueillent avec une surprise ! Elle ne saute pas aux yeux tout de suite, on a même de la peine à la distinguer de la paroi rocheuse à laquelle elle semble s’accrocher comme un nid d’hirondelle. Seul son toit de tuiles rouges trahit sa présence : l’ermitage Saint-Antoine de Galamus est suspendu au-dessus du vide depuis le VIIe siècle, survolé par les aigles et entouré de genêts, d’arbousiers et de genévriers de Phénicie. Seule empreinte de l’homme dans ce paysage sauvage, l’ermitage, aujourd’hui inoccupé, se visite d’avril à octobre. Retour par le même chemin, paysage aussi spectaculaire et vertigineux que dans l’autre sens : des lieux exceptionnels qui ont inspiré artistes et publicitaires.

Le Train Rouge

 

Nous revenons sur Cubières, minuscule village où vécurent des Cathares. Parmi eux, Guillaume Balibaste fut le dernier « parfait » à être condamné par l’Inquisition qui suivit la croisade contre les Albigeois. Nous reprenons la D14 en direction de Camps-sur-l’Agly puis Bugarach par le col de Linas. Au milieu d’immensités désertes nous contournons le Pic de Bugarach, mont solitaire aux escarpements tourmentés, seigneur des lieux qui veille sur le Pays Cathare du haut de ses 1230 mètres. Puis nous descendons sur Axat, petite ville au débouché des gorges de l’Aude : la “rivière audacieuse”, à peine sortie des Pyrénées, est encore sauvage et ses rapides font le bonheur des rafteurs que nous pouvons voir passer à grande vitesse depuis le parking du défilé de Pierre-Lys, endroit idéal pour la pause déjeuner. Il ne faut pas manquer l’attraction locale : le Train du Pays Cathare. En service depuis un siècle, la ligne a relié Carcassonne à Rivesaltes avant de se limiter au tronçon Axat-Rivesaltes pour des raisons de sécurité. Rendez-vous à la gare d’Axat où nous achetons nos billets pour “Le Parcours des Viaducs”, un circuit qui permet de découvrir en une demi-journée la partie la plus spectaculaire de la ligne entre Axat et Lapradelle. Nous embarquons dans des wagons panoramiques pour une succession impressionnante de tunnels, de ponts et de viaducs à travers gorges et forêts dans une ambiance où se mêlent chant des cigales et sonnettes des passages à niveau, où se succèdent soleil brûlant des longs espaces découverts et fraîcheur obscure des tunnels. Le tout sur fond de montagnes boisées et de châteaux perchés : le train glisse au pied de Puilaurens, autre citadelle du vertige dont le donjon et l’enceinte crénelée à quatre tours se détachent sur le ciel d’été à 700 mètres d’altitude. Aujourd’hui abandonné, le château de Puilaurens fut lui aussi l’un des “cinq fils de Carcassonne”, le plus occidental de ses “frères” de la ligne d’Aragon.

Puivert dans le Quercorb

 

La D117 nous permet de remonter sur Quillan et d’entrer dans le Quercorb et le Pays de Sault, plateau moins accidenté et plus domestiqué que les Hautes-Corbières. Notre objectif : Puivert dont le village pittoresque abrite le musée du Quercorb et ses vieux métiers régionaux. Mais, là encore, la vedette c’est le château. Dominant le village du haut de sa colline, il n’a pas l’assurance altière des châteaux des Corbières, mais il fut acquis lui aussi à la cause cathare et subit, en 1210, les assauts de Simon de Montfort qui y trouva une coquille vide, les occupants ayant tous fui par un souterrain. Si sa partie ancienne est en ruine, le donjon construit au XIVe siècle tient encore debout et s’élève à 35 mètres. Dans ses salles, on peut visiter le musée des troubadours qui évoque le temps où les musiciens animaient les fêtes seigneuriales.

Montségur, la fin du rêve cathare

 

Notre dernier trajet sur le Sentier Cathare nous conduit en Ariège. Via Bélesta et les gorges de la Frau, nous atteignons Montségur, un nom qui désigne à la fois un village et un château, un nom restant à jamais associé à la résistance cathare. Une demi-heure de marche sur un sentier en lacets est nécessaire pour passer de 1059 mètres d’altitude, au col de Montségur, à 1216 mètres au sommet du pog. D’en bas, la vue est étonnante sur ce formidable rocher aux à-pics abyssaux sur lequel trône une forteresse d’un autre âge, souvent enveloppée de brume dans un silence de lune. D’en haut, elle est tout simplement époustouflante : les Pyrénées ariégeoises avec en contrebas le village de Montségur qui longe la vallée du Lasset, les collines du Plantaurel, les forêts de Bélesta… Mais là aussi, il y a l’envers du décor car Montségur est un lieu de mémoire qui résume à lui seul la fin du rêve cathare. Pendant près de 40 ans, alors que le Languedoc est mis à feu et à sang, ce sanctuaire inviolable servira de refuge à de nombreux Cathares, de quartier général aux membres du clergé interdit, de lieu de pèlerinage et de baptême cathare pour les convertis. En 1243, une armée de 6000 hommes, commandée par le Sénéchal de Carcassonne, entreprend un siège qui va durer 10 mois. Le 16 mars 1244, la forteresse tombe aux mains des assiégeants et les Cathares sont condamnés à renoncer à leur foi ou à mourir dans les flammes. Quelques 207 d’entre eux refusent d’abjurer et montent sur le bûcher pour périr dans un gigantesque brasier. Le castrum est détruit par l’armée catholique, seuls les murs serviront à la construction d’un nouveau château, celui que l’on visite aujourd’hui. Dernières étapes (mais facultatives) : Roquefixade qui fait face à Montségur sur son éperon rocheux, puis Foix et sa forteresse en plein milieu de la ville. Un autre “pays” qui sent bon les Pyrénées : l’Ariège, à découvrir lors d’un prochain voyage.

Les informations pratiques de ClubCampings dans le Pays Cathare

 

Vos contacts :

 

‐ Agence de développement touristique de l'Aude : allée Raymond Courrière 11000 Carcassonne. Tél. 0468116600. www.audetourisme.com.

‐ Agence de développement touristique d'Ariège Pyrénées : Maison du Tourisme 2, boulevard du Sud 09000 Foix. Tél. 0561023070. www.ariegepyrenees.com.

‐ Pays touristique Corbières Minervois : 24, bd Marx Dormoy 11200 Lézignan Corbières. Tél. 0468275757. www.tourisme-corbieres-minervois.com.

‐ Office intercommunal de tourisme des Corbières Sauvages : 2, route de Duilhac 11350 Cucugnan. Tél. 0468456940. www.corbieres-sauvages.com.

- Office de tourisme de Saint-Paul-de-Fenouillet : 26, boulevard de l'Agly. Tél. 0468590757. www.st-paul66.com.

‐ Office de tourisme de Montségur : 104, Village. Tél. 0561030303.

‐ Association des sites du Pays Cathare : Conseil Général de l'Aude : allée Raymond Courrière 11000 Carcassonne. Tél. 0468113797. www.payscathare.org. Le passeport des sites du Pays Cathare vendu 2€ vous donne droit à une réduction de 1€ (et la gratuité pour les enfants de 6 à 15 ans) à l’entrée de chacun des 20 sites cathares de l’Aude.

 

Vos visites :

 

‐ SCAV Les Terroirs du Vertige, cave coopérative : 31, rue Alphonse Daudet 11350 Cucugnan. Tél. 0468454161. www.terroirsduvertige.com.

‐ Les Cinq Fils de Carcassonne :

Château de Quéribus : 11350 Cucugnan. Tél. 0468450369. www.cucugnan.fr.     

Château d'Aguilar : 11350 Tuchan. Tél. 0468455100. www.tuchan.fr.

Château de Peyrepertuse : 11350 Duilhac-sous-Peyrepertuse. Tél. 0482532407. www.chateau-peyrepertuse.com.

Château de Puilaurens : 11140 Puilaurens. Tél. 0468206526.

Château de Termes : 11330 Termes. Tél. 0468700920. www.chateau-termes.com.

Gorges de Galamus : Mairie de Cubières sur Cinoble. Tél. 0468698864. www.gorgesdegalamus.fr.

Ermitage Saint-Antoine de Galamus : Mairie de Saint-Paul-de-Fenouillet. Tél. 0468590026.

‐ Le Train Rouge ou TPCF : Train du Pays Cathare et du Fenouillèdes : 26, Boulevard de l'Agly 66220 Saint-Paul-de-Fenouillet. Tél. 0468200400. www.tpcf.fr.

Musée du Quercorb : 16, rue Barry du Lion 11230 Puivert. Tél. 0468208098. www.museequercorb.com.

Château de Puivert : 11230 Puivert. Tél. 0468208152. www.chateau-de-puivert.com.

Château de Montségur : Mairie de Montségur : 32, Village. Tél. 0561011027. www.montsegur.fr.

Château des Comtes de Foix : 09000 Foix. Tél. 0534098383. www.sites-touristiques-ariege.fr.

 

Vos lectures :

 

- Guide du Routard et Guide Vert : Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées.

- Chaque été, "Pyrénées Magazine" publie un numéro spécial "Cathares".

- "Les Cathares, une église chrétienne au bûcher" d’Anne Brenon (Editions Milan).

 

Le Sentier Cathare à pied :

 

Une randonnée de 260 km balisée par le logo du Pays Cathare mais aussi par des bandes bleues et rouges dans l’Aude, et jaunes et rouges dans l’Ariège. La partie la plus intéressante se trouve entre Durban-Corbières et Montségur. Le Sentier Cathare traverse deux départements : l’Aude et l’Ariège, et deux régions : le Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. Pour plus d’information : www.lesentiercathare.com ou "Le Sentier Cathare : de la Méditerranée aux Pyrénées" (Rando Editions).

 

À voir également :

 

À proximité de cet itinéraire, d’autres sites méritent le détour : Aguilar, Arques, Termes, Villerouge-Termenès, abbayes de Lagrasse et Fontfroide, village de Montaillou, Mirepoix et sa célèbre place à couverts, Rennes-Le-Château et l’énigmatique histoire de l’abbé Saunière… Et bien sûr la Cité de Carcassonne.

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